En cause, l'état de crise dans lequel la philosophie est
aujourd'hui plongée ; en vue, l'étude de conditions capables de
le dénouer. Le nom dans lequel se trouvent condensés tant
l'immobilisation de la réflexion que l'espoir d'une pensée
nouvelle est Heidegger. Sa méthode a initialement été et, en
dépit de transformations intérieures, est restée la phénoménologie.
Le point est donc de démêler ce qui se cache non pas
seulement sous les concepts de phénomène et de logos, mais
aussi et surtout entre eux.
La réflexion part de l'exercice effectif de la parole considérée
comme une épreuve et une pratique critique propre à faire
office de révélateur. Elle passe à l'examen des décisions souvent
implicites du coeur desquelles depuis Platon s'est construit le
visible et dont le système, jamais formellement démêlé, a
engendré notre rapport à l'objet de pensée : soit le logos de la
vision intellectuelle - ce qui n'a pas empêché Platon lui-même
de laisser filtrer la mémoire fugitive d'un logos dissident, d'une
parole pure en rupture avec le logos du voir. A l'autre bout de
notre tradition, il y a la révolution de la métaphysique chez Kant
et le tournant dans l'histoire de l'être chez Heidegger, d'où
auraient pu sortir un phénomène et un logos régénérés. Parce
que tel ne fut pas le cas, se fait jour la double nécessité d'en finir
avec la marche de recul, avec la pensée négative impliquée dans
la réduction qui procède de l'étant vers l'être, et, corrélativement,
de construire une pensée, une fiction de la genèse du
phénomène qui est d'un trait celle de la vue, de la lumière, du
corps et du logos. Telles sont les questions, telle est la question
plutôt - la fiction du phénomène qui advient.