L'auteur s'emploie à démontrer l'absence totale de gratuité dans
l'acte poétique césairien qui entend toujours préfigurer l'acte politique.
La poésie césairienne se veut une manifestation verbale dont la
performativité tient à cueillir les étoiles, à éclipser la lune, à faire
exploser les monts les plus colériques tout en enchaînant les démons du
vice pour mille ans. Loin d'être un verbiage gratuitement
apocalyptique, le verbe césairien fait figure de parole volontairement
cosmogonique. Sa poésie est un projet de réparation des dommages
causés à l'humanité nègre. Ce qui justifie la nervosité d'écriture
contagieuse de défi que dévoile son irrésistible oeuvre.
La truculence de la parole fondatrice de Césaire renouvelle, tout au
long de la lecture du texte, la perception du poète martiniquais comme
pierre angulaire de la négritude, c'est-à-dire l'apôtre principal de la lutte
contre l'assimilation. Le poète utilise la négritude comme une plate-forme
idéologique et donc politique pour provoquer le réveil de
l'humanité noire, manifestant par la même occasion un incoercible
besoin de lucidité. Césaire a toujours su dire ce qu'il fallait au moment
opportun «non seulement du mieux, mais du plus haut qu'on pût le dire»,
comme le reconnaît André Breton, émerveillé.