Un nouveau régime de fiction s'instaure. Il affecte la vie sociale au point de nous faire douter de la réalité. Les reportages télévisés prennent des allures de fictions et celles-ci miment le réel. Des idylles se nouent sur Internet où l'on dialogue avec des interlocuteurs sans visage. Insensiblement, nous passons au " tout fictionnel ". Aux médiations, qui permettent le développement de l'identité, la prise de conscience de l'altérité et des liens sociaux, se substituent les médias de la solitude. La vision des désastres planétaires est désormais soumise au caprice de la télécommande.
Ces nouveaux partages entre le réel et la fiction conditionnent aussi la circulation entre l'imaginaire individuel (le rêve), l'imaginaire collectif (les mythes, les rites, les symboles) et l'œuvre de fiction. Dans ce livre, Marc Augé rappelle la menace que fait peser, sur toute vie sociale, la confusion de ces trois pôles distincts de l'imaginaire. Chaque culture institue des frontières spécifiques entre le rêve, la réalité et la fiction.
Toute société suppose de ne pas identifier le modèle et la réalité.
Dans son ethno-fiction, parcourant l'Europe et les Etats-Unis, l'Afrique et l'Amérique latine, l'ethnologue nous conduit aux sources de toute anthropologie sociale. Celle-ci a pour objet, à travers l'étude des institutions et des représentations, la compréhension des relations entre les uns et les autres.
Pour Marc Augé, La Guerre des rêves a commencé. Nous n'en voyons pas toujours clairement les tenants et les aboutissants. Sans être fatale l'explosion " fictionnelle " est désormais possible. La catastrophe serait de comprendre trop tard que, si le réel est devenu fiction, il n'y a plus d'espace possible pour la fiction, ni pour l'imaginaire. Pour conclure, l'auteur nous invite à une " morale de la résistance ".