Après le traité de paix de Karlowitz (1699) le sort de l'Empire
ottoman semblait d'ores et déjà décidé en Europe centrale. Le succès
de la guerre de reconquête de la Hongrie sur les Turcs montrait bien les
faiblesses de «l'homme malade» face à l'Empire des Habsbourg.
Au XVIIIe siècle, une autre puissance commence à revendiquer
des territoires au détriment de l'Empire ottoman : la Russie. Malgré
l'échec de la première tentative avorté de Pierre le Grand en Moldavie,
la Russie ne renonce pas à son grand projet de conquête des régions
majoritairement orthodoxes des Balkans ni à son but ultime : la prise
de Constantinople. La première occasion de coopération militaire
austro-russe a lieu pendant la guerre de 1736-1739. Néanmoins, les
victoires attendues n'arrivent pas et les campagnes impériales tournent
rapidement en défaites. La surprise est grande et la guerre-éclair se
transforme en guerre d'usure plus difficile et plus coûteuse que l'on
avait prévue... Les réformes militaires de l'armée ottomane, en partie
menées par le fameux Bonneval pacha, et les manoeuvres habiles de la
diplomatie française favorisent une conclusion de conflit avantageuse
aux armes turques par la prise de Belgrade et le traité de paix en cette
ville. Les conséquences de cette guerre ne se limitent pas sur les champs
d'opérations militaires des Balkans, mais elles se sentiront bientôt en
Europe durant les guerres de Succession d'Autriche où les faiblesses de
la Maison d'Autriche seront bien exploitées par ses ennemis.
L'histoire de cette guerre peu connue en France nous éclaire sur les
causes militaires, sociales et politiques du renforcement de l'Empire ottoman
tout en plaçant les événements de la guerre dans un contexte européen plus
large et en manifestant le rôle éminent en Europe centrale de la France qui,
par l'abaissement de l'Autriche, a favorisé l'ascension de la Prusse.