Dans un village indien des montagnes du Chiapas, au sud-est du Mexique, se déroule, sous couvert d’un "Carnaval", un flamboyant bras de fer entre les hommes et les dieux : de la guerre à la familiarisation, de la séduction à l’agressivité, ce rituel déploie toute la gamme des émotions sociales dans un immense échange de biens et de promesses. Acteurs, forces, espaces et temps s’animent pour re-générer la Tradition, pour arracher de haute lutte aux forces ambivalentes l’assurance d’un avenir et pour "maintenir" la vie des corps et du monde ; pour que dans l’image troublée des destins humains se dessine la volonté des Mayas de vivre, jusqu’à l’épuisement, contre les projets obscurs des entités surnaturelles en dépit de la pauvreté, de la souffrance et des sacrifices. La "guerre rouge", figure emblématique de cette lutte, condense jusqu’à l’incandescence les débris de l’Histoire – préhispanique, coloniale et moderne –, la mémoire et l’oubli, les gestes et les paroles, avec, pour héros, des hommes enceints et des femmes qui frayent avec des singes. L’expédition en forêt, l’attaque simulée du village, le banquet des animaux et des instruments de musique, la danse des princesses et des sauvages sont autant d’épisodes singuliers ici longuement décrits pour la première fois. Les conclusions s’attachent à placer ce rituel dans le temps long, faisant éclater la supposée unité interprétative d’une communauté sur son propre rituel, et dévoilent dans l’intrication des croyances une véritable politique du sacré.