"- Quant à la chambre, elle est vide. Le "maître" du lieu en est parti, vers le Styx des chagrins d'autres époques, mort comme Baudelaire est mort, mort, plus profondément, comme est morte la poésie des anciens calculs, celle qui rêvait d'une vérité de l'être et d'un être de la personne. Le seul acte possible, dorénavant, et la seule vie poétique, c'est le "mirage interne des mots" et de s'en faire l'observateur.
Le "sonnet en -yx" expose donc bien ce que Mallarmé a découvert, et déjà annoncé à quelques amis dans des lettres: ce possible des mots, et du vers, qu'il veut explorer plus avant dans sa recherche à venir.
Or, c'est là aussi que le mot "ptyx" apparaît, et c'est pour représenter dans le poème nouveau ce qu'était le vers ancien, celui qui n'existait qu'à s'emplir, "galère d'or", de trop séduisantes chimères. Le ptyx est donné pour "inanité sonore", en effet, une définition qui ne dit que trop bien ce qu'étaient ces vers, ces poèmes. Il est "aboli" maintenant, il a disparu de la chambre qui signifie la conscience. Et celui qui l'a emporté avec lui, c'est ce "Maître" qui ne savait que la dialectique funeste du rêve vain et des pleurs. Quel que soit le motif pour lequel la poésie du passé est évoquée ou nommée par le mot "ptyx", ce mot la signifie, on n'en peut douter, il renvoie ainsi à l'époque où le Néant régnait seul, avant la Beauté que Mallarmé lui a substituée."
Yves Bonnefoy.