L'avènement de la IIIe République met fin à une politique dite «arabe»
venue des Lumières et de l'expédition d'Égypte. Alors que la démocratie
s'enracine et s'approfondit en métropole, la «mission civilisatrice» de la
France prend de plus en plus la forme d'une domination impériale et raciale.
Il n'en reste pas moins que la France coloniale est amenée à se définir
comme une puissance musulmane.
Au début du XXe siècle, les responsables français en tirent les conséquences
en formulant une ambitieuse «politique musulmane» qui doit aboutir à la
constitution d'un «Islam de France» non seulement dans l'Empire mais
aussi en métropole. Le caractère original de l'entreprise repose, dans le
contexte des deux guerres mondiales, dans la constitution d'une véritable
«islamologie appliquée» qui réunit dans un même système de concertation
et de prise de décision administrateurs coloniaux, militaires, diplomates et
orientalistes. Jamais dans l'histoire récente de la France savoir et pouvoir
n'ont été aussi étroitement associés.
Ce livre réunit un certain nombre d'études de cas, événements historiques
ou parcours d'orientalistes, pour aboutir au début de la IVe République à
l'agonie de cette politique musulmane et à l'amorce d'un retour à une politique
arabe.
La démarche généalogique ainsi suivie permet de mieux saisir bien des
problèmes de notre temps tout en respectant les singularités des périodes
considérées.