Notre société est de plus en plus sensible au problème de l'injustice et se donne
beaucoup de mal pour la combattre sous quelque forme qu'elle se manifeste.
Pourtant, depuis «la mort de Dieu» et le règne généralisé de l'immanence,
la justice n'a plus d'ancrage dans l'absolu, et aucun jugement ne peut être tenu
pour incontestable et irréfutable. La justice est donc matière à discussion. Qu'est-ce
qu'un comportement juste et en quoi se différencie-t-il d'un comportement
injuste ?
Est-ce à dire que nous sommes tombés dans un total relativisme, qui fait
que tout est affaire de circonstances, tout se vaut, tout peut être justifié ? ou bien
avons-nous trouvé des absolus de remplacement : le droit naturel, la religion,
le calcul mathématique, la vérité scientifique, la morale, la loi, l'économie ? Ou
serions-nous, tout simplement, capables en conscience de faire triompher l'équité,
«en situation», sous le feu des événements ?
Certains philosophes ont cru pouvoir définir des principes de justice universels
(Kant) ou les bases de jugements bien pesés (Rawls). Beaucoup finalement ont
cherché une solution de nature politique ; la justice, dans ce cas, serait le propre
d'une société bien organisée et bien gérée : rationalité, démocratie, égalité
des chances, liberté du marché, intercommunication sont les recettes les plus
avancées.
Mais une telle philosophie pragmatique efface les références et les repères
dans une société qui n'a plus d'autre souci que de réaliser le bien-être de tous.
En vérité, la société est plus sage et plus exigeante que les philosophes
anglo-saxons ne le croient. Selon des approches que nous nous sommes efforcé
de décrypter, elle crée des valeurs qui la dépassent. Elle n'a jamais renoncé à sa
quête de l'absolu.