Le 15 décembre 1578, à Nérac, un des plus grands poètes français vivants, Guillaume Salluste du Bartas, accueille Catherine de Médicis et Marguerite de Valois par un poème trilingue où les Muses latine, française et gasconne se disputent l'honneur du compliment aux Reines - et, contre toute attente, c'est la gasconne qui l'emporte. Cette promotion de l'occitan, aussi momentanée que compensatoire, par un écrivain dont l'essentiel de l'œuvre est en français, aurait pu rester anecdotique si elle n'avait servi de justification obligée à tous ceux qui, dans les décennies suivantes, choisirent d'écrire en cette langue. Or Du Bartas reprenait là un argumentaire formulé quelques années plus tôt, sans aucun écho apparent, par Pey de Garros dans ses Poesias gasconas (1567). C'est ce fil rouge de l'écriture occitane au siècle de Du Bartas que suit Philippe Gardy, en amont (la «joyeuse» production toulousaine de la première moitié du XVIe siècle) comme en aval (Ader, Larade, Godolin, Dastros, Du Pré), renouvelant la compréhension qu'on pouvait avoir jusque là de ce moment-clé de la littérature occitane et de ses rapports avec la littérature française.