Le fantastique, l’a-t-on assez dit, serait de tout temps affaire de spéculation inventive et d’imagination luxuriante, de visions horrifiantes d’une improbable surnature et de figurations fuligineuses d’un intime irreprésentable, seules à même de générer un sentiment d’envoûtement mêlé d’effroi. C’est ce présupposé en forme de poncif critique que la présente étude voudrait, sinon remettre en cause, tout au moins interroger et pondérer par une poétique dite « lettrale » passant le champ concerné au(x) spectre(s) de la lettre. Car, contrairement à ce que tendent à laisser penser des kyrielles d’adaptation cinématographiques (dont certaines au demeurant admirables), les récits fondateurs du genre (Frankenstein, Dr. Jekyll & Mr. Hyde, Dracula) sont d’abord et surtout - et ce n’est pas un hasard - d’imposants dispositifs textuels laissant proliférer la lettre et l’écrit dans tous ses états, fût-ce à la faveur d’épiphanies délétères, voire mortifères. En définitive, ce n’est rien de moins qu’une certaine performativité de la lettre fantastique que l’on s’attachera à mettre en lumière, à partir d’un corpus protéiforme (confrontant des époques, des aires linguistiques et des degrés de notoriété très variés) et à travers certains motifs clés : la pseudo-traduction à visée mystificatrice ; les variantes du livre maudit et du manuscrit trouvé ; l’écriture fictive de soi qui vient buter et s’oblitérer sur un impossible je meurs, terme ultime de la lettre (qui) tue.