« Mais, au fond, la cour de France n’était point du tout fanatique. Elle était toute dominée par l’intérêt de famille, et partout trouvait devant elle, en Angleterre, en Pologne, en Allemagne, l’opposition de Philippe II. L’Europe favorisa la France dans ses vues les plus chimériques, et l’on eut ce spectacle étrange, que, le lendemain d’un massacre dont chacun avait horreur, le roi qui s’en disait coupable eut tout le monde pour lui. Il devint le centre de tout ; on semblait de toutes parts vouloir entasser les couronnes sur la tête folle et furieuse du roi de la Saint-Barthélemy. Nous entrons dans un pays étrange et nouveau, la terra incognita, comme disent les anciens géographes. Dans cette terre inconnue, ne nous étonnons pas si nous voyons surgir des monstres. Le fait le plus imprévu, c’est que, sur ce sol rouge et détrempé d’une des plus larges saignées qu’ait faites le fanatisme religieux, la religion baisse tout à coup et n’est plus qu’en seconde ligne. Un Dieu blafard, à masque blême, trône à sa place : Politique. Les huguenots, sauf quelques villes, quelques fortes positions où ils essayent de résister, vont fuir ou se convertir. Les catholiques sont malades ; ils tâchent de rester furieux, mais leur cœur n’en est pas moins trouble, comme au lendemain d’un grand crime. Tout à l’heure, par un art habile, un mélange artificieux de grands seigneurs et de canaille qu’on parvient à griser ensemble, on fera l’orgie de la Ligue. Ce qui n’empêchera pas qu’après avoir cuvé son vin, ce parti ne doive rester tout aussi énervé que l’autre. »
Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.