Né en 1893 à Saint-Pétersbourg, Ivan Wyschnegradsky n'a cessé de mener conjointement la composition musicale et l'élaboration d'une pensée théorique. C'est à partir du faisceau des questions véhiculées par la musique atonale que vont naître les positions de l'ultrachromatisme. Plus particulièrement, c'est dans les années 1910-1920, situées avant la systématisation sérielle de l'École de Vienne, que l'évolution du langage musical draine une sensibilité déterminante pour l'élaboration de l'idée de pansonorité. Dès 1913, Wyschnegradsky, alors âgé de vingt ans et déjà conquis par Scriabine, entreprend de formuler sa vision de l'univers et commence à développer ses premières théories musicales. Le projet de La loi de la pansonorité à proprement parler débute en 1924 et s'étendra par phases successives jusqu'à la version finale de 1953. Wyschnegradsky ouvre la théorie et la philosophie musicales à un concept d'espace entièrement nouveau. Il ne s'agit pas de l'espace physique, géométrique ou acoustique, mais d'une spatialisation de la matière sonore, d'un plan atomistique et spatial de la pensée du sonore qui préfigure l'idée de synthèse avant la lettre. Pensée hors cloisonnements, transgressant les compartimentages culturels hérités du xixe siècle, La loi de la pansonorité réalise, dans un élan de constructivité, l'étonnante rencontre d'un matérialisme de la pensée avec une théorie de l'intuition et de la création.