Ce que l'on qualifie parfois de «loi de Zahavi», et qui mériterait plutôt l'appellation «conjecture de Zahavi», avance l'hypothèse d'une constance des budgets temps de transport (BTT) quotidiens des personnes dans les zones urbaines. L'intérêt d'une telle approche est d'éclairer un phénomène bien connu des spécialistes de la mobilité: la tendance à l'allongement de la portée des déplacements dès que la vitesse moyenne augmente grâce à l'usage des modes motorisés. Dans cette perspective, tout se passe comme si l'ensemble des évolutions des autres variables (programme d'activités, localisation...) n'était qu'un ajustement conduisant à respecter la «conjecture de Zahavi».
En adoptant ce point de vue, on comprend mieux la dilatation des espaces-temps de la ville. Les gains de vitesse se traduisent par un étalement urbain accentué par le fait que l'automobile permet d'accéder à tout le territoire. De ce fait, un léger gain de vitesse accroît plus que proportionnellement la surface accessible avec le même BTT. Ce qui permet de comprendre pourquoi, après avoir fait la ville, les BTT sont peut-être en train de la défaire. Car si la ville pédestre se devait d'être ramassée sur elle même pour que chaque point soit accessible à pied, la ville automobile étend le tissu urbain jusqu'à le mettre en pièces. Et cela d'autant plus que l'analyse comparée des villes nord-américaines et européennes montre que les premières, plus motorisées que les secondes, connaissent des BTT motorisés qui augmentent avec le niveau de vie. Il ne faudrait plus alors parler de constance, mais de croissance tendancielle des BTT. Ces derniers sont donc au coeur de la question que pose cet ouvrage: quelle forme de ville voulons nous?