La Maison de Salomon est le nom que donne l'homme d'État anglais Francis Bacon à l'institution imaginaire décrite dans son récit utopique La Nouvelle Atlantide : une confrérie dont les membres s'efforcent de mettre les sciences, les inventions et les techniques au service du bien commun. L'idée est puissamment mobilisatrice et constitue l'un des moteurs, quelques décennies plus tard, de la création des académies scientifiques française et anglaise. Mais cette « maison » existe déjà quand paraît en 1627 l'utopie baconienne. Elle est constituée de tous ceux, inventeurs, professeurs, fabricants d'instruments mathématiques, libraires spécialisés ou ingénieurs qui font des sciences et techniques leur occupation. Comment vivre de son savoir lorsqu'on n'était pas gentilhomme comme Descartes ? Quelles opportunités se présentaient à ceux qui, de part et d'autre de la Manche, cultivaient les sciences et les techniques ? Quelle place leur réservaient des sociétés d'Ancien Régime qu'on croit souvent, avec quelque raison, rétives ou étrangères à la rationalité scientifique moderne ? Comment et par qui ces hommes étaient-ils protégés ? Loin de l'image classique du mécénat aristocratique et royal, cette enquête montre que le patronage dont ils bénéficiaient revêtait bien des aspects et mobilisait de nombreux mécènes au petit pied, dans l'administration monarchique et ailleurs. En revenant sur les carrières de dizaines de savants et techniciens français et anglais du xviie siècle, cet ouvrage éclaire ainsi des aspects méconnus de la formation de l'État moderne et de l'émergence de la science expérimentale.