La perception que nous avons de l'espace ne constitue pas tout à
fait une donnée naturelle. Elle est fortement influencée par notre
environnement culturel.
À l'espace homogène que nous percevons aujourd'hui, où seules
varient les distances, s'oppose l'espace hétérogène du Moyen
Âge, senti comme de nature différente selon qu'il est proche ou
lointain. De cette distinction, illustrée par les arts figuratifs, la
cartographie, la littérature, le langage même, découlent des conséquences
qui embrassent notre civilisation entière : celle-ci, en dix
siècles, glisse d'un modèle à l'autre, au prix d'un bouleversement
de ses valeurs sensorielles et symboliques.
Paul Zumthor retrace cette histoire de quatre points de vue
convergents : par rapport à l'idée de «lieu» et de stabilité, à celle
de «dimension» et de mouvement, à celle d'inconnu désirable
et de «découverte», enfin dans les représentations imagées. Le
moment critique, où l'on bascule du monde ancien à la modernité,
n'est pas identique dans ces diverses perspectives. Du moins une
période tournante se dessine-t-elle entre 1450 et 1550 : emblématiquement,
l'équipée de Christophe Colomb en marque le centre.