Taxidermiste, Bernard l'est devenu après d'autres métiers et une longue traversée que cette histoire révèle mais, lorsqu'il s'installe à Paris dans les années 1970, la vie s'est adoucie. Le silence et la minutie, l'imaginaire et l'observation sont des qualités primordiales pour exercer cette étrange profession qui consiste à redonner corps à la perte, à retrouver la posture souvent furtive qui parachève l'identité d'un animal. Dans son atelier se côtoient des oiseaux, des renards, quelques lémuriens auprès desquels se détache la longue silhouette d'une girafe oubliée là par son commanditaire.
Tout comme les êtres en ces lieux sont réinventés, la géographie d'une vie demeure pour cet homme une construction aléatoire que l'on peut maquiller pour ne jamais en faire état.
Est-ce pour cela que Marianne, sa fille aînée, est revenue vivre en Corse ? Seule dans un village de l'Alta Rocca, elle est allée chercher dans les replis du paysage la force de l'ancrage et la mesure du temps.
Si le thème de la filiation apparaît dans tous les livres de Guillaume Le Touze, celui-ci semble s'y adosser pour aborder cette fois l'identité sous le signe de la topographie. Car le personnage principal de ce roman est une île hérissée de monts et de blocs granitiques, une île habitée d'arbres millénaires enracinés en pleine mer.