La mouette
« Je suis une mouette. Non, ce n'est pas ça... Vous vous souvenez, vous avez tiré une mouette ? Survient un homme, il la voit, et, pour passer le temps, il la détruit... Un sujet de petite nouvelle... Ce n'est pas ça... (Elle se passe la main sur le front.) De quoi est-ce que je ?... Je parle de la scène. Maintenant, je ne suis déjà plus... Je suis déjà une véritable actrice, je joue avec bonheur, avec exaltation, la scène m'enivre et je me sens éblouissante. Et maintenant, depuis que je suis ici, je sors tout le temps marcher, je marche et je réfléchis, je réfléchis et je sens que, de jour en jour, mes forces spirituelles grandissent... »
Le motif de la pièce tout entière est contenu dans cette réplique de Nina : comme le soulignent les traducteurs, ce qui domine là, c'est « l'illusion, la déception, l'essor, la désillusion, le fait d'être tourné vers le futur et d'attendre l'irréel, ou de regarder vers le passé et d'attendre que ce passé découvre un espoir d'y voir ce qui n'y était pas, une réconciliation possible ».
C'est la version originale de la pièce, plus longue, écrite en 1895, qui est donnée ici. En annexe, la version académique, stanislavskienne, toujours jouée depuis 1896.
La Mouette s'inscrit dans le travail de retraduction de Tchekhov entrepris par André Markowicz et Françoise Morvan. Déjà au catalogue Babel : La Cerisaie (n° 51), Les Trois Soeurs (n° 69), Oncle Vania (n° 104), L'Homme des bois (n° 189) et Ivanov (n° 436).