C'est par analogie, le plus souvent, que l'on emploie le vocabulaire musical pour parler de la littérature. Que le commentaire se porte sur le rythme d'un texte ou que l'on évoque la musicalité d'un style, l'analyse en reste au niveau de la simple comparaison sans chercher réellement à dépasser les clivages et à tisser les liens qui permettent de faire émerger la cohérence profonde qui peut exister entre des pratiques si distinctes et si proches.
A partir d'une approche délibérément interdisciplinaire, Midori Ogawa propose une étude exemplaire de l'œuvre romanesque de Marguerite Duras dont l'écriture entretient avec la musique un rapport privilégié, presque de nécessité. Dans un univers où la communication semble si difficile, la musique joue le rôle de métaphore et permet d'exprimer ce qui n'a pas de nom dans la langue, ce qui relève d'une certaine dimension du sensible antérieure au moi, d'un désir d'absolu.
Depuis Un Barrage contre le Pacifique jusqu'à L'Amant, la musique investit totalement l'écriture durassienne au point de conférer au mouvement général de l'œuvre son rythme et sa temporalité, en un mot, sa propre logique. A travers la variation des formes et la récurrence de thèmes essentiels - l'enfance, la douleur, l'amour blessé - la musique dessine les contours d'un univers désolé et désespéré qui emprunte largement à l'expérience personnelle de Marguerite Duras.