Christian Haller explore ici un pan mythique de son histoire familiale, l'enfance de sa mère passée à Bucarest. Très marquée par cette expérience, Ruth a transmis à son fils une mémoire dont il porte l'empreinte. Observant sa mère, réinvestir de plus en plus les territoires de son enfance, l'auteur décide de faire, à son tour, le voyage à Bucarest. Là, il est confronté à un passé plus récent, celui de l'ère Ceausescu, qu'il décrypte à travers deux personnages qui l'ont vécue de façon contrastée : l'un en sympathisant, l'autre en victime du pouvoir.
Mais cette confrontation à l'histoire contemporaine de la Roumanie ne l'empêche pas de remonter le temps. À travers sa quête du passé, Christian Haller réinvestit tous les grands bouleversements qui ont secoué l'Europe du XXe siècle. L'observation des motifs visuels, tissus, photographies, objets, vêtements, imprègne la narration par sa précision et son élégance dans ce roman porté par la nécessité de la mémoire et l'évocation de la Mitteleuropa.
« Jaune. Ce jaune que j'avais toujours connu et que je voyais pour la première fois cet après-midi-là, à mon arrivée à Bucarest, me troubla comme si un tissu filait entre mes doigts et que j'en sentais la texture un peu rugueuse. Un motif est tissé dans la trame : des bouclettes de laine noire forment des îlots lisses et doux au toucher, mais ornés de paillettes sournoises aux arêtes vives. »