Des outils de réalisation de soi
être et conscience
Ma vie aurait sans doute changé du tout au tout si un jour, ou plutôt une nuit, presque un matin, j'avais osé parler... Raconter... Mais je me suis tu. Je n'ai rien dit. J'ai laissé le silence s'interpréter... Et elle est partie... Sans comprendre... Ma vie s'en est trouvée désertée.
Bien entendu, je l'ai remplie comme je l'ai pu... Plutôt bien somme toute puisqu'il m'en est resté trois merveilleux enfants et que j'y ai été parfaitement heureux... Il n'empêche...
Et puis, trente années plus tard, un autre jour ou plutôt une autre nuit, presque un autre matin, j'ai osé parler... Je ne me suis plus tu... J'ai mis des mots sur le silence... Et elle est restée... Pour ensoleiller tout ce qui reste de ma vie...
Voila pourquoi la narration de soi revêt chez moi une telle importance. Elle peut infléchir le cours d'une vie. Elle aurait dû infléchir le cours de la mienne. Et si depuis je passe mon temps à prêter l'oreille à qui veut se faire entendre, à écouter ceux qui cherchent à parler, quitte pour cela à les aider à trouver leurs mots, quitte à traduire en phrases ce qu'ils vivent d'indicible, si je fais tout cela, ce n'est assurément pas de la générosité. C'est juste de la vengeance. Parce que les mots, un jour, m'ont trahi et que la narration, cette fols-là, a cruellement manqué à l'appel. Depuis, je passe mon temps à débusquer les phrases, je me suis fait chasseur de mots et j'essaye d'offrir à toutes les vies bancales que je rencontre une occasion de se raconter, je me suis fait traqueur de maux parce qu'en renonçant à se raconter on peut aussi parfois, je ne le sais que trop bien, se construire de travers ou se reconstruire à l'envers.
Voilà pourquoi, en définitive, ce livre pour aider à se raconter, c'est à elle que je veux le dédier... Parce que je me suis tu il y a trente ans... Et que cela, jamais, jamais, je ne me le suis pardonné.
Parler de soi c'est se faire exister au sein du monde. Personne ne peut exister indépendamment de l'histoire qu'il se raconte à propos de lui-même. Le « soi » se constitue dans la narration... Or, sans le « soi », il ne peut y avoir de conscience de soi ; il ne peut non plus être question d'image de soi, pas plus que d'une quelconque forme d'amour de soi... et c'est alors toute l'estime de soi qui se met à ne plus rien signifier faute de ses trois composantes essentielles...
C'est dire toute l'importance de la narration de soi dans le développement de chacun. Comment stimuler cette disposition chez l'enfant ? Comment se construit-elle chez l'adolescent ? Comment se maintient-elle quand la mémoire efface tout ? Comment aide-t-elle à se reconstruire quand tout s'effondre ? En répondant à ces questions essentielles, cet ouvrage fait de l'aptitude à se raconter une véritable clé de voûte de la construction identitaire en même temps qu'une ressource essentielle dès lors qu'il s'agit de faire preuve de résilience au-delà du fracas.