Depuis la Constitution de 1807 de Pétion, en son article 6, le gouvernement de la République d'Haïti tend à s'identifier à l'État, une institution qui s'installe à Saint-Domingue, par le biais de sa bureaucratie, i.e. de la fonction publique coloniale. Les républicains de 1807, en prenant cette dernière pour modèle, appliquent la formule d'une colonie faillie à la gouvernance d'un État indépendant. Penser à une réforme de l'État force à se demander s'il est souverain ou bien ce qu'est l'État.
Depuis plus de deux siècles, les Haïtiens vivent ensemble et, chaque jour, en plus grand nombre. Un contrat social les unit donc. Le livre passe en revue comment est née la nation en affirmant sa souveraineté face à l'État moderne européen. Dans ce processus prend corps l'État d'Haïti, i.e. que s'articule un contrat ou une institution, dont les normes réglementent les conflits d'intérêts des classes sociales opposées qui, ensemble, se scindent de l'État moderne français.
À partir de 1915, les oligarchies qui monopolisent l'administration publique dépendent de plus en plus de l'appui de la communauté internationale, à la remorque des États-Unis, pour se dérober aux termes de ce contrat négocié durant les guerres de l'Indépendance et assurer ainsi la primauté de leurs seuls intérêts. Cette dépendance irréversible tend à accélérer la dégradation de l'accord originel et exige pour renforcer et activer celui-ci une participation croissante de la communauté nationale dans la configuration des forces contestataires du Grand Sud.