« Implicite », « vague » ou « changeante » voire « instable » selon ses critiques, la théorie de l'énonciation d'Emile Benveniste est-elle aussi « inachevée » ? Elle a en tout cas été à la base de profonds bouleversements, ouvrant la linguistique française à la parole, mettant l'accent sur la place du sujet parlant et soulignant l'importance des interactions dans la communication verbale. D'où l'intérêt de lui consacrer une étude de fond depuis les premières occurrences jusqu'à la dernière publication, « L'appareil formel de l'énonciation » (1970).
Dans cet ouvrage issu d'une thèse soutenue à Paris X - Nanterre, l'auteure analyse, occurrence par occurrence, non seulement les deux tomes des Problèmes de linguistique générale (1965 et 1974), mais aussi Noms d'agent et noms d'action en indo-européen (1948) et le Vocabulaire des institutions indo-européennes (1969). Cette analyse exhaustive, conduite comme une fouille archéologique, permet de retracer l'émergence et l'évolution de la notion. Certes, Benveniste n'en est pas l'inventeur, mais il la porte à un tel point de développement qu'elle accède avec lui au rang de nouveau paradigme des sciences humaines.