La Pâque de la culture
Augustin ne cherchait certes pas à bâtir une « civilisation chrétienne », ou à tracer les délimitations de ce que serait une « culture chrétienne » : car la Cité de Dieu est d'un autre ordre que la cité des hommes et c'est vers cet ordre surnaturel, celui de la grâce et de la charité, que tendaient son effort et son désir. Pourtant, tout en cherchant inlassablement cet ordre de la grâce, il a dû mener un réel combat spirituel. Car non content d'être marqué par la culture de son époque, il en était également épris ! Il s'était passionné pour tous les reflets de la vérité qu'il avait pu percevoir çà et là, particulièrement chez les penseurs platoniciens. De manière suggestive, James Wetzel qualifie Virgile et Porphyre d'« ennemis intérieurs » pour Augustin ; leur pensée résonnait en lui, le convainquait, le séduisait - si fortement qu'il a dû, peut-être d'abord pour lui-même, et aussi pour ses lecteurs, entreprendre cette démarche de discernement spirituel consignée dans les vingt-deux livres du De Civitate Dei.
Ce faisant, il a légué une oeuvre qui, au cours des siècles, inspire et guide les chrétiens dans leur effort pour habiter le monde ; car s'il faut « fuir Babylone », cela ne signifie pas fuir le monde mais plutôt, comme le dit de belle manière Peter Brown, développer un « art de vivre surnaturellement dans ce monde ».