La parole intérieure est l'un des phénomènes les plus courants de notre vie quotidienne - cette parole que nous nous adressons à nous-mêmes et qui fait de nous des êtres humains dotés de pensées, d'émotions et de sensations. Pour certains, elle occupe moins de 10% de la vie intérieure, pour d'autres plus de 90% : à chaque être humain sa parole intérieure qui le relie aux autres et lui est pourtant éminemment spécifique. Explorer la vie intérieure d'un sujet revient à déployer la façon dont il se définit lui-même, mais aussi dont il définit ou ressent son rapport aux autres et au monde. Dans le cadre d'une vaste étude de terrain sur le langage intérieur, menée sur plusieurs années, le présent essai s'attache ici à la parole intérieure de personnes incarcérées : celle-ci correspond-elle à un enfermement redoublé, c'est-à-dire intériorisé, ou au contraire à une ouverture potentielle ? Cet examen permet de renouveler notre compréhension du vivre-en-prison, et soulève des questions à la fois psychologiques, sociales, politiques, judiciaires et sociétales.