- Qu'est-ce qui vous fait dire que votre femme
est folle ?
- Mais voyons, Madame, c'est évident, elle
dit tout ce qui lui passe par la tête, toutes ses
pensées.
C'est par ce dialogue que s'ouvre le texte de Piera
Aulagnier Le droit au secret. C'est folie de dire
tout ce qui passe par la tête, au mépris des convenances,
de la logique, de la cohérence, de l'intérêt...
Et pourtant, c'est ce à quoi invite la règle
psychanalytique ! Si la rencontre entre la psychanalyse
et la psychose est à la fois incertaine et
dangereuse, c'est moins du fait de leur éloignement
que de leur trop grande proximité.
La pensée du névrosé est interdite parce que le
refoulement en bride l'expression et s'oppose à sa
liberté. La pensée du psychotique est interdite,
parce qu'elle est sidérée, annihilée, menacée d'être
violée. «Celui qui ne saurait pas mentir à son
analyste serait bien malade», disait Bion. Mais
pas plus que le mensonge, l'assurance du secret
de la pensée, de la pensée inviolée ne sont donnés
à tout le monde. La psychanalyse, son appel à
dire «tout ce qui passe par l'esprit», peut-elle
relever un tel défi ?