Ce livre opère une lecture transversale de l'oeuvre de Levinas afin de
mettre en évidence la manière dont le penseur a profondément modifié,
sur le plan conceptuel, l'approche des trois disciplines majeures de
la philosophie : la métaphysique, l'esthétique et l'éthique.
En ce qui concerne la métaphysique, le débat fondamental avec
Heidegger est principalement abordé à travers la déstabilisation que
Levinas fait subir, à l'intérieur d'Être et Temps, à l'analytique du «Dasein»,
dans l'examen des notions de «monde», d'«essence» et d'«existence»,
de «transcendance», de «triple structure du souci», de «néant» et
d'«angoisse», de «l'être pour la mort».
Cette critique de l'ontologie heideggérienne ouvre la pensée de Levinas
sur un domaine qui a été peu analysé jusqu'à présent : l'esthétique. Celle-ci
engage en particulier l'examen, sur le plan phénoménologique, du rapport à
Sartre, Merleau-Ponty et Blanchot. Loin de frapper l'art du sceau du rejet,
sinon du mépris, ainsi qu'on l'a parfois soutenu, c'est une véritable fonction
ontologique que Levinas attribue à l'art, dès lors qu'il y perçoit, dans ce qu'il
définit comme un «entretemps», la «structure sensible de l'être».
Son éthique, quant à elle, s'efforce de dépasser, via notamment
les notions de «visage», d'«infini» et de «dia-chronie», mais en se
référant à Bergson également, les catégories traditionnelles dans lesquelles
le rapport à autrui a été pensé ou, plutôt, esquivé.
Ce livre, enfin, entend toucher le point névralgique de l'oeuvre dans
la notion de «transcendance». Celle-ci a un contenu primitif métaphysique,
mais acquiert, comme «transascendance», une dimension éthico-théologique
essentielle, et comme «transdescendance», une portée esthétique majeure.