La place du spectateur
Esthétique et origines de la peinture moderne
Voici un ouvrage dont le titre à soi seul est devenu une expression
commune. Il est vrai que Michael Fried a posé en des termes tout
à fait nouveaux la question : de quand date la peinture moderne ?
De David, de Manet, de Cézanne, dira-t-on ; les candidats à l'acte
fondateur ne manquent pas. Fried pose autrement le problème.
Moins qu'aux grandes individualités, c'est à ce qu'elles eurent en
commun que l'auteur s'intéresse : le courant nouveau de figuration
qui très vite devint la tradition moderne et auquel ces peintres
participèrent ou s'opposèrent.
Cette tradition naît au XVIIIe siècle avec la critique d'art - notamment Diderot - et
celle-ci formule une interrogation : quelle place
le tableau doit-il réserver au spectateur ?
De Greuze à David, la peinture refuse la théâtralité. Michael Fried
montre les deux moyens que Diderot expose pour combattre la
fausseté de la représentation et la théâtralité de la figuration :
une conception dramatique de la peinture, qui recourt à tous les
procédés possibles pour fermer le tableau à la présence du spectateur, et une conception pastorale qui, à l'inverse, absorbe quasi
littéralement le spectateur dans le tableau en l'y faisant pénétrer.
Ces deux conceptions se conjuguent pour nier la présence du spectateur devant le tableau et mettre cette négation au principe de la
représentation.