Le régime militaire brésilien (1964-1985) a peu marqué les consciences européennes : d'abord parce qu'il fut plus précoce et
moins meurtrier que ses voisins argentin et chilien, mais aussi parce qu'il n'a pas affiché au monde une unique figure de dictateur. Ici nul Pinochet aux éternelles lunettes fumées, nul Videla à la rigueur émaciée pour donner un visage à l'autoritarisme d'Etat : au Brésil ce sont cinq généraux-présidents qui se sont succédé au pouvoir pendant vingt-et-un ans. Ils sont, comme la majorité des plus jeunes officiers, convaincus d'être investis d'une mission : rétablir l'ordre et sauver la patrie de la subversion communiste. Or l'ordre, dans l'armée, c'est la discipline, le respect des règles disciplinaires, et bien sûr l'absence de prise de position et d'engagement politiques : autant de comportements qui, le putsch consommé, sont de nouveau exigés des échelons inférieurs des forces armées, quelque fanatiques qu'ils soient, quelque engagés qu'ils aient été dans la conspiration, et quelque désireux qu'ils demeurent de participer au pouvoir. Débute alors un débat, puis un conflit politique au coeur même de l'extrême-droite militaire : sur quelles épaules repose la « Révolution démocratique et rédemptrice », appellation officielle du coup d'État et de la dictature qui lui fait suite ? À partir d'archives inédites et de la collecte de nombreux entretiens, ce livre raconte cette vie politique clandestine et paradoxale : celle qui a subsisté au sein d'une institution militaire et sous un pouvoir dictatorial, et en a largement orienté le devenir.