Depuis quarante ans, la lutte contre le chômage des jeunes est présentée comme une « priorité » sinon comme une « cause nationale ». Mais, si on considère les résultats, le constat d'échec s'impose : depuis le début des années 1980, le taux de chômage des jeunes stationne aux environs de 22 % et atteint plus de 50 % chez les non-diplômés. Cependant, l'incapacité des pouvoirs publics à réduire le chômage ne signifie pas pour autant que les politiques d'insertion sont inutiles.
Si les « travailleurs sociaux » - qui se confrontent aux difficultés de ceux qui accèdent, désarmés, au marché du travail - ne sauraient résoudre le problème du chômage, ils répondent, dans l'intimité des bureaux des missions locales et des salles surchargées des organismes de formation, à de multiples autres attentes. Leurs pratiques, au jour le jour, consolident celles des cadres ordinaires de socialisation (institution scolaire, famille, groupe de pairs, etc.) pour valider les prétentions professionnelles légitimes, indiquer les opportunités ouvertes ou fermées sur le marché du travail, certifier ou renforcer la valeur professionnelle accordée aux candidats, sanctionner et réformer les conduites disqualifiantes dans les entreprises.
Ce travail d'insertion participe à l'« étayage » du rapport au travail de ces publics et ne peut, en ce sens, connaître l'échec. Il s'avère même une modalité à part entière de la gestion publique du chômage des jeunes dans la mesure où ses effets contribuent à la construction du rapport au monde de ceux qui en bénéficient.