Pourquoi la propriété intellectuelle n'est-elle apparue en Occident qu'au 15e
siècle ? Pourquoi était-elle impensable avant ? Qu'est-ce qui a permis son
apparition ? Comment les philosophes l'ont-ils justifiée ? Et quelles sont les
critiques qu'ils formulent aujourd'hui à son encontre ? C'est à ces questions
essentielles que tente de répondre ce livre. Car la propriété intellectuelle fait
aujourd'hui question : des discussions sur la brevetabilité du vivant et des
méthodes commerciales aux questions soulevées par la copie des oeuvres
sur Internet, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur sa justification, ses
limites, voire même son avenir. Si elle suscite la controverse, c'est parce qu'elle
pose un problème fondamental : peut-on s'approprier la création, dans quelle
mesure et à quelles fins ? Pour éclairer ce débat, ce livre propose un voyage
dans l'histoire des idées : explorer le statut de la création dans l'histoire
occidentale et voir dans quel contexte intellectuel et juridique est apparue
l'idée d'une appropriation des oeuvres de l'esprit. On verra ainsi pourquoi
l'Antiquité, pourtant éminemment créative et juridiquement sophistiquée,
ne pouvait pas penser une propriété de l'immatériel, et pourquoi le Moyen-Âge
considérait l'invention comme une activité adultère. La révolution
nominaliste au 12e siècle, la querelle des arts libéraux, le calvinisme, mais
aussi l'évolution des théories de la propriété construisirent petit à petit un
cadre intellectuel induisant l'émergence de cette institution qui allait devenir
la propriété intellectuelle. On verra comment et pourquoi les philosophes
tentèrent alors de la justifier, et comment ils s'attèlent aujourd'hui à la
critiquer. Il apparaît ainsi que la propriété intellectuelle est une institution
qui suppose un certain biotope philosophico-juridique : la modification d'un
ou plusieurs paramètres de ce dernier pourrait entraîner, sinon sa disparition,
à tout le moins sa transformation plus ou moins radicale.