Dans le contexte de l'assaut contemporain contre la légitimité de l'État
redistributeur de ressources, les ultra libéraux défendent l'idée du caractère
inconditionnel et absolu de la propriété privée. Fondée sur le
travail, celle-ci ne devrait pouvoir être taxée que pour acquitter les frais
d'un État protecteur réduit à ses fonctions régaliennes et ne peut jamais
être saisie que contre une juste compensation.
Le livre d'Alfred Fouillée (1836-1912) La Propriété sociale et la démocratie
participe d'un vaste mouvement intellectuel qui a tenté, au
contraire, de montrer que la propriété individuelle comporte nécessairement
une contribution de la nature - chose commune à l'espèce
humaine - et une contribution inestimable de la société toute entière,
présente et passée. Chaque propriétaire privé est donc comptable d'une
dette pour l'utilisation qu'il fait des ressources communes et pour la
part de valeur - considérable - dont la collaboration sociale enrichit
ses biens. En ce sens, la propriété privée n'est légitime que lorsqu'elle
a acquitté cette dette, et elle ne saurait jamais revêtir un caractère inconditionnel.
Que la propriété privée soit ainsi grevée d'une dette sociale
ne signifie cependant pas qu'elle puisse être redistribuée ; mais seulement
qu'elle doit contribuer activement - par le biais d'un État qui
assume des fonctions sociales - à la formation des générations futures
et à la promotion de l'égalité des chances.