Pour la connaissance, la mort constitue l'abîme le plus redoutable qui soit. Le poète, en la personne de Yeats, le sait fort bien qui écrit : «l'homme a créé la mort». Que dira-t-on de plus ? Précisément que parler de la mort, c'est une certaine manière pour l'homme de parler de lui-même. Il s'agira de reconnaître dans la mort cette question inouïe et affectante qui se soulève en l'homme encore vivant parmi les vivants et les morts. A première vue, elle doit commencer par se poser pour le moi. L'histoire de la philosophie elle-même atteste une tendance à privilégier le point de vue de l'ipséité sous les espèces du sujet philosophique. Mais pour parvenir au faîte et au fondement d'elle-même, la question de la mort se pose inévitablement pour autrui. L'expérience éthique doit pouvoir trouver ici sa place, sans prétendre néanmoins s'approprier toute la question elle-même. Dans ses plus hautes expressions, la mort finit par se savoir «à fond» (comme le dit à nouveau le poète), en découvrant qu'elle est l'affection d'une pesanteur, d'une finitude ontologique soufferte d'abord pour autrui dans un irréductible mouvement de «transascendance»...