À partir d'écrits et d'entretiens de Jean-Luc Godard sur l'extermination,
les juifs, l'État d'Israël et le conflit du Moyen-Orient,
cet essai (sous-titré Filmer après Auschwitz) prend l'occasion
critique d'un montage récurrent de deux célèbres photographies
de déportés légendées par lui, pour se confronter à ses thèmes
obsédants, ses interrogations sur la légitimité de la représentation
et la pensée par images, dans son cinéma et celui dont il s'est
fait l'historien. Une pensée par images à vivre ici par le pouvoir
des mots, des rapprochements et des affects, sans autre ambition
discursive.
Il faut revenir sur les accusations d'antisémitisme dont le cinéaste
est souvent l'objet de la part de chroniqueurs superficiels et parfois
ignorants. Au prétexte d'apparences non questionnées, ce contresens
absolu nie ce qui, depuis plus de trente ans, et surtout après
Shoah de Claude Lanzmann, est explicitement l'âme de l'oeuvre
de Jean-Luc Godard : placer au contraire l'extermination et la
présence vitale de la pensée juive dans l'histoire européenne et
occidentale, et donc les responsabilités incombant aujourd'hui à
l'État d'Israël, au coeur de sa création cinématographique.
Nous publions enfin en annexe un article de Jacques Ellul paru
dans Réforme du 23 juin 1945 : Victoire d'Hitler ? et demeuré inédit
jusqu'à présent.