La Grèce et l'Albanie sont deux États de taille modeste situés dans le Sud de la
péninsule des Balkans. Dans le monde, il est peu d'endroits où des pays pourtant
frontaliers associent la proximité géographique à des images et une réalité
si différentes. Pourtant, depuis le début des années 1990 et la chute du
gouvernement autoritaire qui sévissait alors à Tirana, les deux pays sont liés
par l'un des plus importants phénomènes migratoires du continent européen
tant par sa puissance que par la rapidité de sa réalisation.
Si cette migration massive naît indiscutablement de la conjonction entre la
proximité et le contraste des richesses, ce travail propose aussi de lire certaines
de ses formes à la lumière de l'épaisseur historique des relations entre les deux
pays. Les histoires de vie des migrants et de ceux qu'ils rencontrent semblent
affirmer en mineur l'existence de relations qui unissent citoyens grecs et albanais
dans les mêmes réseaux bâtis sur des solidarités régionales, linguistiques ou
religieuses. Leur examen permet d'accéder, à travers l'observation des modalités
mêmes de la migration, à des appartenances complexes où coexistent les
identités «officielles», calquées sur les discours dominants des États-nations,
et des reconnaissances discrètes sur lesquelles se fondent pourtant de véritables
pratiques de solidarité.
À travers une telle approche, cet ouvrage porte une attention particulière à l'implication
des mobilités sur l'idée qu'un groupe se fait de lui-même (ou des autres),
qui peut paraître utile à l'heure où sont débattues les formes à donner aux
politiques migratoires et à la liberté de circulation au sein de l'Europe unifiée.