La raison scolaire
École et pratiques d'écriture, entre savoir et pouvoir
Penser l'école à la croisée d'une sociologie de l'éducation, d'une sociologie de la connaissance et d'une sociologie des formes d'exercices du pouvoir : voilà l'horizon de pensée dans lequel s'inscrivent les textes composant ce recueil.
Faisant retour sur l'histoire des différents états de la forme scolaire de socialisation en éclairant les liens entre raison graphique, rapport au langage et rapport au pouvoir, Bernard Lahire souligne le fait que l'école ne s'est jamais contentée de veiller à l'utilisation correcte du langage par les élèves ou de vérifier leur compréhension en acte (et en contexte), mais qu'elle a eu pour ambition d'inculquer un rapport réflexif et raisonné au langage. L'institution scolaire, qui enseigne une langue autonomisée, dé-contextualisée et dé-fonctionnalisée, se révèle ainsi, en pratique, très « saussurienne » et la linguistique saussurienne apparaît clairement comme une théorie scolaire des faits langagiers.
La meilleure façon de dénaturaliser la raison scolaire et d'en saisir les spécificités est d'étudier de près les modalités de la socialisation scolaire ainsi que les résistances que lui opposent les élèves en difficultés scolaires, majoritairement issus des classes populaires. Privilégiant un rapport pratique au langage, ces derniers ne parviennent pas systématiquement à le mettre à distance et à le prendre comme un objet étudiable en lui-même et pour lui-même.
Par ailleurs, l'étude de l'inégale transmission inter-générationnelle de l'écrit au sein des familles (selon le milieu social d'appartenance ou le sexe de l'enfant) permet de compléter la compréhension de ce qui se trame sur la scène scolaire pour des enfants plus ou moins culturellement disposés à jouer le genre de jeux de langage que l'institution leur impose.