La logique du soupçon est devenue la boussole de l'État français.
Depuis les attentats de 2015, la politique préventive et répressive de l'État s'est infléchie au détriment des libertés individuelles et collectives. Des pratiques autoritaires se sont développées et étendues avec le concours de certains acteurs associatifs, activistes et, plus rarement, de quelques chercheurs.
Le déploiement d'un arsenal sécuritaire n'est pas une nouveauté en démocratie. Ce qui est nouveau, c'est la cible de la répression : celle-ci se concentre aujourd'hui plus qu'hier sur des groupes minoritaires, perçus comme déviants, ou plus déviants que d'autres, en raison de l'origine et de la religion présumée.
C'est alors que les principes de la République sont sacrifiés sur l'autel, entre autres, d'une instrumentalisation de la laïcité, transformée en outil disciplinaire des corps et des esprits, voire en catéchisme sans Église. L'État, ses représentants et ses relais, ne visent plus exclusivement les fomenteurs et auteurs d'actes de terrorisme. Une surenchère se lit désormais dans l'appréciation des styles de vie et le contenu des doctrines religieuses professées et enseignées en particulier dans les milieux musulmans. S'installe ainsi une logique du soupçon à laquelle participent régulièrement des médias en rupture avec l'éthique de responsabilité. Cette logique de la suspicion passe outre le légalisme incarné par les acteurs et agents sociaux musulmans, sommés de faire la preuve de leur attachement républicain alors même que les élites financières et économiques, soutenues ou adoubées par l'État, ont fait sécession depuis longtemps.