Alfredo de Taunay (1843-1899) dont le nom est depuis longtemps oublié chez nous, bien qu'il ait écrit son livre en français, est généralement considéré comme le Xénophon de l'Amérique Latine - rien de moins. Officier brésilien issu d'une vieille souche française, il participa à la terrible guerre du Paraguay (1864-1870), dont il retrace ici un épisode exemplaire : la retraite d'une colonne décimée par l'ennemi et par les fièvres à travers l'enfer du Mato Grosso.
Ce récit n'aurait jamais eu accès à la gloire littéraire si le hasard, en l'occurrence, n'avait étrangement fait les choses : en prêtant à Taunay un style qui fait merveille, net et froid comme un coup de latte ; en le dotant d'une âme généreuse mais surtout lucide : en le rendant témoin enfin d'un événement qui fut, à sa façon, un singulier concentré de folie et d'horreur. On imagine le film que Raoul Walsh ou John Huston auraient tiré de cette chronique : l'un de ces purs instants d'insoutenable lumière, d'insoutenable réalité, que l'oeil a toujours du mal à contempler fixement.