«A Trinidad vivait une famille...», dit un air de calypso célèbre. Mais lâ s'arrête toute comparaison entre la chanson et le roman. Dans «la rumeur des cannes», Egbert Ramsaran terrorise «la Colonie», petit bourg égaré entre Por of Spain et San Fernando, dont les habitants sont tous d'origine indienne. Le pouvoir est son obsession, l'argent son unique moteur. Il enseigne à son fils Wilbert cette seule vérité : d'un côté les faibles, de l'autre les forts. Témoin des excentricités paternelles - son père préside des réunions hebdomadaires, un pistolet à la main -, Wilbert apprendra l'ambiguïté des sentiments, l'amertume de l'existence, la fragilité des êtres.
Avec une précision aiguë, Shiva Naipaul, fait graviter dans le microcosme de «la Colonie» un large échantillon de types humains - Bholai, l'homme sans volonté ; Sushila, la prostituée «hédoniste» ; Cha-Cha, dit le Chinois, qui fait de la fainéantise le but suprême de l'existence - pour mieux les enfermer dans une sorte de prédéterminisme qui laisse peu de place au libre-arbitre. Dans cette île où a régné l'économie de plantation, nul n'échappe vraiment à la rumeur omniprésente des cannes.