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"Nous autres, Russes Blancs, nous jouons à colin-maillard aux quatre coins du monde". L'épouse du régisseur d'un radjah peut l'affirmer, pendant que sa sœur, une ancienne lectrice de l'impératrice douairière, transite par Copenhague, pour s'en aller enseigner "les bonnes manières" en Australie, que l'une de ses amies fabrique des chaussures aux États-Unis, qu'un adolescent force les portes de l'enfer, en s'évadant d'un camp soviétique, qu'un gentilhomme lutte pour une Espagne une, grande et libre. Des femmes de ménage redeviennent princesses à la nuit tombée, reçoivent comme à Saint-Pétersbourg, dans des deux pièces-cuisine plus éloignées du Kremlin que de Bicêtre. Des chauffeurs de taxi brossent leurs uniformes de colonels, dans l'espoir de libérer, sabre en main, leur patrie martyrisée par Staline. S'il leur faut laver des kilomètres carrés de dallage, conduire des guimbardes, contracter la tuberculose, en s'improvisant mineurs de fond, ces femmes et ces hommes ne désespèrent jamais. Ils luttent pour l'avenir de leurs enfants ; en une génération, les Russes retrouveront - par leur travail - leur patience, leur inimitable manière de s'adapter, de ne pas perdre leur âme, leurs positions d'antan : officiers généraux, médecins, avocats, ingénieurs, chefs d'entreprise. Liouba, fille de cette Sophia, dont les joies et les peines nous furent contées dans le premier volume de cette « Saga de l'Exil », nous promène à travers la France déchirée de l'avant-guerre, et une Angleterre encore victorienne. Si les aventures ne manquent pas, car Marina Grey demeure, avant tout, une merveilleuse conteuse, les portraits, brossés - avec autant d'humour que de psychologie - permettent de pénétrer, sans effort, dans cet univers, où cohabitent les nécessités du quotidien et la part du rêve. On ne lit pas "Liouba", on vit sa vie.