La première guerre mondiale va provoquer une hécatombe. En
quatre ans, elle occasionnera en France près de 1,4 million de morts,
4 millions de blessés hospitalisés, 5 millions de malades et quelque
400 000 victimes de la grippe espagnole.
Dès les premiers jours du conflit, la situation réclame des décisions
cruciales : reconstituer le capital humain pour renvoyer les soldats au
front est la priorité. Dans cet univers imprévisible, tributaire d'armes
nouvelles et exposé aux germes pathogènes, le Service de santé militaire
met en place des procédures d'évacuation, de soin, de veille, d'alerte,
d'accréditation, de contrôle et de régulation par l'État.
À travers des hôpitaux, des formations sanitaires mobiles et une logistique,
tout un système de santé s'instaure, voué à l'urgence médicale, à la
protection réciproque des populations civiles comme militaires contre les
épidémies et à la réadaptation des mutilés et des traumatisés mentaux.
De fait, la période constitue un moment de vérité pour le «gouvernement
des risques», puisque le pronostic vital de centaines de milliers de
citoyens est engagé, et un cas d'école, puisque pour la première fois les
pouvoirs publics ont pleine autorité sur le corps médical.
C'est l'histoire de cette grande politique de santé publique et de cette
«médecine d'urgence», pilotées par Justin Godart - futur résistant et
juste parmi les Nations -, que cette vaste fresque vient tirer de l'oubli, tout
en décryptant les usages discutables de la santé en temps de guerre.