| La santé par quels moyens et à quels prix ?
Le point de vue des économistes dans le débat sur la santé est réducteur. Mais tout réducteur qu'il soit, ce point de vue est aussi inévitable. En matière de santé comme ailleurs, nos sociétés ont à faire des choix que l'on qualifie habituellement d'économiques. La question de la bonne affectation des ressources entre les différents besoins de santé est donc « incontournable » ; arbitrer entre ces besoins est tout aussi difficile qu'inévitable.
On peut s'interroger sur les raisons profondes de l'introduction et de l'essor d'une problématique de concurrence dans des domaines où elle n'était peut-être pas initialement présente. Nous ne sommes plus dans des sociétés de subsistance. Nous sommes dans des sociétés dans lesquelles le nombre de biens et de services qui sont fournis s'est considérablement multiplié. Cette situation exacerbe les difficultés de toute planification. L'intervention « centrale » pour décider de ce qui doit être est de plus en plus difficile : comment décider d'en haut ce qui est bon pour une personne déterminée, dans un monde où cette personne fait des arbitrages complexes entre les postes de sa consommation. Certes cette diversité des choix possibles est inégalement accessible selon le revenu. Mais nous vivons dans un monde de biens multipliés, dont beaucoup relèvent de ce que l'on appelait autrefois le superflu et non du nécessaire. La légitimité des mécanismes de type décentralisé s'accroît, et avec elle s'affaiblit le tabou sur la recherche de profit. Ceci vaut, même si c'est de façon atténuée, pour le secteur de la santé, non seulement parce qu'une partie des soins relève de ce que l'on nomme parfois le confort, mais parce que le progrès s'accompagne d'un accroissement des biens mis à la disposition, les traitements par exemple, et d'une indétermination croissante du registre du nécessaire.