Comment peut-on être malade aujourd'hui dans une médecine qui
transforme le patient en consommateur, sans souci authentique
pour sa souffrance psychique ? L'oubli du malade dans la médecine
contemporaine semble être le prix à payer pour des soins toujours
plus rationnels et scientifiques. L'exploration du corps humain, le
diagnostic précoce des maladies, l'acharnement à les combattre par
des traitements douloureux et invasifs, exproprient «pour son bien»
le patient de son corps. À travers des protocoles de diagnostic et de
soins très standardisés, à travers le contrôle social de nos existences
par une surveillance médicale accrue au nom de la santé publique,
nos modes de vie se retrouvent toujours plus normalisés. Comment
alors restituer au patient sa valeur de sujet et ses droits pour éviter
de le transformer en marchandise au profit des industries de santé ?
Comment concilier les exigences de la médecine scientifique et sa
nécessaire vocation «thérapeutique», c'est-à-dire humaniste ?
À partir de son expérience du soin psychique, le psychanalyste a plus
que jamais le devoir éthique et politique de mettre en garde contre
les dérives de cette médicalisation généralisée et la «passion de
l'ordre» qu'elle semble recouvrir.