Autour de 1900, Paris rassemble une nouvelle génération de sculpteurs consciente de vivre l'aube d'une nouvelle ère et cherchant un langage pour cet avenir encore indécis. Auguste Rodin est un passage obligé, et contesté, pour tous : Français (Bourdelle, Maillol), Espagnols (Gargallo, Manolo, Picasso), Roumain (Brancusi), Polonais (Nadelman), Allemands (Hoetger, Lehmbruck), Ukrainien (Archipenko)...
Paris est aussi un milieu intellectuel traversé de nouvelles idées qui stimulent les débats esthétiques et renouvellent nombre de questions : autonomie par rapport à la peinture, détour par le passé, relation à l'espace et au temps. Des penseurs tels Bergson, James, Nietzsche et Simmel, en substituant à la raison et à la permanence les notions d'intuition et de mouvance, fécondent la création plastique. Des sculpteurs aux sensibilités en apparence incompatibles forment dans ce contexte un ensemble cohérent.
La création sculptée peut alors être lue comme une expérimentation de tous les moyens pour se débarrasser de ce que le nouvel univers mental conduit à abandonner. Un vrai foisonnement d'inventions et de recherches traverse les catégories et même les personnalités, rassemble des artistes souvent considérés aujourd'hui comme opposés, ou les sépare alors qu'ils sont généralement associés. Cette profusion laisse penser que le XXe siècle aurait pu connaître des développements très différents de ceux qui nous sont familiers : l'après-guerre a opéré une sélection tranchante dans tous ces « possibles ».