Classes mouvantes, classes inquiétantes, pourrait-on dire. Les mobilités sociales n’ont jamais été véritablement un objet historiographique, celles d’Ancien Régime en particulier, volontiers tenues pour inexistantes. Il est vrai que la société dite d’ordres a longtemps servi de contre-modèle, pour ne pas dire de repoussoir, consacrant, dans les sociétés démocratiques, des dynamiques parfois plus supposées que réelles. « La société d’ordres d’Ancien Régime ne connaît guère les mobilités sociales », « le capitalisme dynastique français souffre de la rigidité de ses structures », « le marchand du xviiie siècle n’aspire qu’à quitter son état par l’anoblissement de sa lignée », voilà quelques lieux communs mis à mal par le présent livre. L’approche retenue en fait la particularité : délaissant les catégories traditionnelles posées comme a priori, elle offre une matrice fluide du mode de production empirique des mobilités et des identités bourgeoises, par une analyse méticuleuse de ses univers matériels, de ses réseaux de propriétés et de sociabilités- De la Malmaison à la place Vendôme, du négoce normand à la création de la Banque de France, de la traite négrière à l’argent d’Espagne, le livre épouse la formidable ascension de la dynastie Le Couteulx sur sept générations. Il propose, en définitive, un tableau totalement inédit des mobilités sociales bourgeoises, entre 1600 et 1824.