Max Weber, le plus fameux de tous les sociologues, est aussi le plus mal connu. Et pas seulement en France, où la dispersion des traductions rend difficile la saisie d'ensemble de son œuvre. En fait, là comme ailleurs, on croit connaître assez bien le Weber philosophe social, relativiste et pessimiste, le prophète de malheur qui assimile la modernité à une «cage de fer». Mais on n'a encore qu'une bien faible idée de la puissance proprement sociologique et historique de ses études qui, sur la base d'une conceptualisation d'une ampleur sans équivalent, embrassent toutes les grandes religions sous l'angle des rapports étonnamment complexes qu'elles entretiennent avec l'économie, le pouvoir et la vie pratique.
C'est cette sociologie historique, systématique et rigoureuse, que Stephen Kalberg reconstitue pas à pas, avec clarté et précision, en la comparant avec les sociologies historiques contemporaines des Bendix, Tilly, Skocpol, Wallerstein, etc. Et très vite, il nous convainc de la supériorité méthodologique de la démarche de Weber. A le lire, la conclusion s'impose d'elle-même : la sociologie historique est wébérienne ou elle n'est pas.