La symphonie de Leningrad
Il abaissa sa baguette tandis que les premiers accords,
pleins et assurés, s'élevaient dans la salle poussiéreuse.
Les trompettes et les timbales dominèrent la ligne mélodique
des cordes, avec leur motif de deux notes, lancinant
et répétitif... Puis il y eut des entrées loupées, quelques solos
bâclés. Elias fut saisi de panique. Un musicien blêmit
et s'affala sur sa chaise. Mais portée par son élan,
la musique roulait comme un rocher sur une pente douce.
Il se contentait de la guider, la retenir, l'empêcher
de s'emballer... La symphonie menait sa propre vie...
En juin 1941, après la brutale rupture du pacte germano-soviétique,
Leningrad va être assiégé. Au fil de plus de neuf
cents jours, une terrible pénurie s'installe, les bombardements
se multiplient. Les habitants meurent de faim par milliers.
Dmitri Chostakovitch, qui vit à Leningrad,
travaille alors à sa Septième Symphonie , dans laquelle
il va magnifiquement intégrer le bruit des canons,
des bombes et des sirènes d'alarme. Et Staline,
qui surveille étroitement les artistes, a une idée : la faire
jouer en disposant des haut-parleurs en direction de la ligne
de front, afin que les Allemands pensent que si les Russes
sont encore capables de faire de la musique, c'est qu'ils ne
sont pas près de se rendre. Hâves, décharnés, les musiciens
doivent trouver l'énergie nécessaire pour donner ce concert exceptionnel.