C'est plus dur que je ne pensais. Jamais je
n'avais raconté ma vie à personne. Jamais
je n'avais éprouvé ni nostalgie ni mélancolie. Et
là, tout me revient : le miroitement du Danube un
28 mars, les yeux d'un bel enfant sur le Ponte
Vecchio... Les mauvaises choses aussi et les
mauvaises, j'aimerais autant les oublier. Toutes ces
catastrophes, tous ces morts, je les porte en moi.
Pour vivre, il faut oublier, mais quand on a beaucoup
vécu, y a beaucoup à oublier. J'ai la mémoire
dure comme une seconde carapace et si lourde à
porter ; le passé me pèse comme une bosse.