De la Corse contemporaine, nous sont trop souvent proposées des images stéréotypées. Celle d'une société traditionnelle, dominée par les clans et aux moeurs politiques arriérées. Celle aussi d'une société pénétrée par la violence, imprégnée d'une culture archaïque de la vendetta dont les dérives actuelles de la contestation nationaliste seraient la manifestation extrême.
La thèse de ce livre est tout autre. Les particularités de la politique en Corse ne résultent pas de la permanence d'archaïsmes culturels, mais procèdent d'un processus historique d'adaptation constante de la tradition à la modernité, qui y a permis, dans la longue durée, la reproduction du pouvoir des notables et la continuité du dientélisme. Ce processus fait l'objet de ce livre, qui est d'abord une socio-histoire de la politique clientélaire en Corse, de la seconde moitié du XIXe siècle jusqu'à nos jours.
C'est ce processus qui explique en outre la forme spécifique de la contestation nationalitaire dans la Corse d'aujourd'hui. Face à la solidité et à la forte capacité de résistance du pouvoir des notables, cette contestation a en effet été portée à la radicalisation, au point d'emprunter, au moins pour certains de ses partisans, les chemins du terrorisme et de la violence.