La tragédie est grecque, mais voici qu'elle rattrape l'islam moderne. Et la tragédie est celle-ci : l'islam a perdu son identité rigide et aucune autorité n'est en mesure de décider ce qu'est le « vrai » islam. Entre tradition et modernité, il oscille, pratique le mélange et la cohabitation. La tradition - multiple - est devenue insaisissable, et sur la modernité - protéiforme - il n'y a aucun consensus. En réalité, à y regarder de plus près, on peut vérifier que le « sacré islamique » travaille toujours la volonté ou les prétentions de réforme, et que les avancées vers la modernité démocratique dissimulent mal l'immobilisme et le conservatisme : le statut des femmes a peu bougé, la charia (loi coranique) et le jihad (guerre sainte) restent omniprésents même s'ils sont moins visibles. La laïcité parfois revendiquée n'entre pas dans les exigences de la séparation moderne, quoique l'islam « mou », le plus répandu, prétende le contraire. Plus que jamais s'impose donc la vigilance critique : ne pas ignorer, certes, que la modernité est toujours inachevée, mais avoir une conscience aiguë qu'en islam elle demeure un terrain toujours en friche, qu'il faut encore et encore cultiver et retourner.
Un livre percutant sur la crise de l'islam, qui montre à quel point il est désorienté par la coexistence indiscernable, de tradition et de modernité, qui le ronge.