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Jeune militante de la CIMADE durant la Seconde Guerre mondiale pour l’aide aux persécutés, première femme consacrée pasteur de l’Église réformée de France, Élisabeth Schmidt (1908-1986) rejoint le 2 octobre 1958 la paroisse de Blida-Médéa, aux confins de la riche plaine de la Mitidja et des plateaux du Tell. Son ministère va s’exercer en pleine guerre qui ne dit pas son nom. L’arrivée au pouvoir du général de Gaulle n’a pas encore modifié son cours. Elle s’intensifie même avant de basculer dans une guerre dans la guerre, la lutte sanglante opposant les partisans de l’Algérie française et les autorités de la République imposant l’indépendance algérienne. Élisabeth Schmidt fait bien plus qu’observer le drame des communautés en guerre et le quotidien de la misère, de la terreur et de la mort. Métropolitaine vivant en Algérie, elle ressent l’attachement des Européens à une terre qui a été bien souvent synonyme pour eux de nouveau monde. Elle comprend en même temps la nécessité de l’indépendance que l’intransigeance des colons rend plus inévitable que jamais. Femme d’église mais aussi intellectuelle proche des idées de Germaine Tillion ou d’Albert Camus, elle s’emploie à maintenir des relations entre des communautés en guerre. En vain. L’abandon dont elle ressent si douloureusement la tristesse n’est pas celui d’une terre que des Français croyaient la leur, mais fondamentalement celui d’une possible réconciliation entre des peuples déchirés. À l’automne 1962, Élisabeth Schmidt décide de poursuivre l’aventure. Elle devient enseignante dans un lycée de l’Algérie indépendante. Mais elle est devenue une étrangère. Elle doit abandonner ses espoirs de justice fraternelle. Ne lui restent que sa mémoire et l’écriture.
Ce témoignage d’un « temps de malheur », publié pour la première fois en 1976, fait ici l’objet d’une édition critique et d’apports documentaires inédits. Pour comprendre l’Algérie coloniale, la guerre d’Algérie, les premiers temps de l’Indépendance, le rôle du protestantisme, ces Souvenirs constituent un éclairage exceptionnel, au plus près de la tragédie mais dans une écriture de la distance et de la compréhension qui est d’une indéniable modernité. Témoignage sur un passé jamais refermé, le livre d’Élisabeth Schmidt porte une pensée pour l’avenir.
Historienne du protestantisme, Gabrielle CADIER est maître de conférences honoraire à l’université de Paris IV Sorbonne.
Historien de la politique, Vincent DUCLERT est professeur agrégé à l’École des hautes études en sciences sociales.